Au Pays d'Orphée et des Fées
CORINNE SAUFFIER LIVRES
Mon nouveau livre « Mon père me racontait Alexandrie », le récit de ma diaspora, (avec illustrations) vient de paraître (Editions Le livre Actualité).
C'était au temps où la ville d'Alexandrie était belle comme une danseuse orientale, où la vie s'écoulait comme dans un conte entre chansons et fêtes cosmopolites. C'était la folle jeunesse de mon père au large du célèbre Phare au son du « bouzouki » (instrument grec traditionnel) où des jeunes gens habillés comme des acteurs de cinéma célébraient l’amour et la vie dans la frénésie d’une ville qui aimantait tant d’artistes…
Pour l'année nouvelle, vous découvrirez ce récit passionné transmis par mon père (qui ressemblait à Omar Sharif) en compagnie de personnages pittoresques qui chantaient tous comme Georges Moustaki :
« Arabes Grecs Juifs Italiens
Tous bons Méditerranéens
Tous compagnons du même bord
L'amour et la folie d'abord"
Au vu des événements tragiques que nous vivons, ce monde disparu s'avère un hymne à la tolérance.
Partez à la découverte de ce voyage spirituel, humain, culturel et tendre, c'est ma Grèce en Egypte!
« A la mémoire de ma famille si dispersée à l’image de l’archipel grec éparpillé en mille flottilles »...
Résumé Livre: "Mon Alexandrie à moi", c’est celle que me racontait mon père, sur la plage de mon enfance. Un monde disparu, onirique, poétique, mystique. Une ville universelle aux mille reflets où le temps semble suspendre son vol. Fondée par Alexandre le Grand au cours de ses conquêtes, la ville a un destin d’exception. Mon Alexandrie à moi, c’est ma « Grèce en Egypte », qui ressurgit des flots comme une fresque épique en compagnie des « Phili » (les amis intimes) de mon père, dandy hédoniste en ces années flamboyantes… La célèbre corniche fourmille d’intrigues. Les vies s’entrecroisent entre joyeux drilles et poètes maudits nommés « rébètes ». Autour du Cecil Hôtel et autres lieux légendaires de l’âge d’or d’Alexandrie, les cloches carillonnent à la volée dans la convivialité du rite grec orthodoxe. On parle un français impeccable mais aussi le fameux sabir gréco-égyptien. On goûte les meilleurs mets. On s’enivre de lectures, de fêtes et de sorties culturelles. Les femmes d’Alexandrie sont radieuses, libres et indépendantes. La ville sautille et pétille comme dans la célèbre chanson disco de Claude François. Cet Orient fabuleux a tourné au cauchemar après l’exode en 1956… L’Alexandrie cosmopolite n’est plus. C’est aujourd’hui une ville détruite et oubliée. Comme aux temps des danses grecques et des bouzoukia, Alexandrie redevient (grâce à la magie du souvenir), le pur joyau de civilisation qui a traversé des siècles...
A L E X A N D R I E
La malle de Rimbaud devant la gare d’Alexandrie…
Les marchands crient… Les calèches se dispersent…
Dans les ruelles aux senteurs de thym et de basilique, on vend de l’eau, des arômes, des onguents et du pain…
Me voilà, à nouveau, sur la grève désolée de joncs et de marais !
Me voilà, à nouveau, dans le quadrilatère tari de ma mémoire !
Cet improbable delta draine mes détours et contours !…
Que reste-t-il de mon rêve indocile et fragile, petit îlot oblong, devenu céleste palace, sous les odeurs musquées de mon Orient évanoui ?
Peut-être cet infime nuage de narguilé qui me revient en mornes bouffées ?
Et la voix de mon père, estampée par les plus purs mélismes, tempérant avec grâces, les remous de toutes ces histoires, en provenance des pays endémiques…
J’entends des mélopées aux phrases ondoyantes…
Le dieu crocodile me sauvera-t-il des caprices du Nil ?
Le ruban fertile de ma mémoire ensemence un musée copte dans le désert libyque…
Toujours, j’ai l’impression d’emprunter un jardin dérobé ! Où fuir parmi les ombres ?
Mes pensées frémissent sous de propices arcades.
Je demeure contre le sable adossé ! Tout un monde m’a été si tôt ravi !…
Les vocalises plaintives des ruelles s’éteignent dans les silences…
Toujours, le khamsin, souffle violent et brûlant, surnommé « vent des cinquante jours », me voile le regard !
Et la décrue de mes souvenirs dévaste les citadelles dans un flot torrentiel !
Je me promène à Alexandrie, sur ces larges avenues rectilignes…
Les palmiers de la corniche saluent ce pèlerinage !
Le Phare, la colonne de Pompée, les catacombes de Kom-El-Chouqafa, l’endroit où fut rendu l’oracle de Cléopâtre…
Puis, je m éloigne de la ville bruyante.
Je m’ensommeille près de la source claire de l’oasis Sioua…
Je regagne la salle hypostyle, puis la pièce reposoir de la barque divine.
Je caresse l’ibis à la force divine…
Je me souviens de ces récits épiques….
J’imagine mon père accompagnant le poète ami de Smyrne à la taverne des maudits !
La retsina coulait, les bouzoukis crissaient, les cœurs pétillaient !
Je les revois pleurant avant l’Exode !
Les figures des danses grecques tracent l’arborescence des vies bien remplies !
Toujours, le khamsin obscurcit mon ciel…
Et les malles ne repartent vers nulle part…